try again, fail again, fail better

–  Non. Non, je ne suis pas d’accord. Se réveiller avec l’impression d’avoir du métal enfoncé dans le crâne d’avoir trop bu la veille, ce n’est rien. Un type qui veut que tu lui sortes le grand jeu ? « Oh, regarde comme tu m’excites : je suis toute mouillée ! » (Voix idiote et crispante. Bandante.) C’est la routine. Ça n’a rien d’extraordinaire. Le regard méprisant de l’épicière ? Ses seins pendent, elle ne me fait pas peur. Non. Le pire. Le pire, je vous dis, c’est Sheila. Vous les copains je ne vous oublierais jamais. Sheila, putain. Si je pouvais tuer quelqu’un, n’importe qui, ce ne serait pas Hitler, ce serait elle. Il m’a demandé de chanter ça après avoir baisé. (Fou rire général.) C’est ça, marrez-vous. Putain. J’arrive pas à me l’ôter de la tête, ça me rend dingue. Je me suis mise à chanter le refrain sous la douche alors qu'il n'est pas revenu depuis une semaine. L’enfoiré ! Il faut l'enfermer. Qui fait ça ? Qui veut ça ? C'est pas un fantasme, c'est un foutu cauchemar. Sheila, putain.


Assise sur les genoux d’un client dont le nom m’échappe, j’observe silencieusement son jeu. Il est presque une heure du matin et ça rit grassement autour de nous. Les cigares forment un brouillard de fumée sur la table, comme s’il se déroulait ici des choses qu'il fallait soustraire à l’œil - dissimuler. Les verres de whisky se vident bien plus rapidement que les hommes n’abattent leurs cartes. Je les remplis. C’est cela aussi le rôle d’une fille vivant dans l’appartement de Paolo Salucci : faire boire. Et lancer des regards émerveillés, rire, dévoiler sa poitrine petit à petit. Et danser. Danser sur la scène, danser dans le lit. Sourire comme une jeune louve, se déhancher comme une conquérante, ne jamais vaciller. C’est presque facile finalement, non ? Cela pourrait être tellement pire. Le plus vieux métier du monde a ses nanties et ses misérables. De la rue à cet appartement luxueux, la distance est vertigineuse. Alors, bien consciente de ma chance et de ce qu'elle implique, je gigote contre les cuisses de ce vieil inconnu, lui lance un sourire entendu avant de prendre sa main et son verre pour l'emmener vers une chambre. Les blagues salaces fusent. La porte se referme derrière nous et le spectacle ne fait que commencer.


–  Je te dis que c’est sexy, Gio.
–  Non, ça ne l’est vraiment pas. Ces trucs puent, sérieusement. Les clients détestent.
–  Oh, arrête de faire ta mijaurée. Ça me donne un petit air mystérieux et mature.
–  Oui, tu auras l’air très mature et mystérieuse quand ils te diagnostiqueront un cancer et que tu finiras les yeux fermés entre quatre planches. Avec des dents jaunes. (Un temps.) J’allais dire « plus sexy, tu meurs » mais du coup… ! (Petit rire.)
–  Ha. Ha. Très drôle. Hilarant. Fous-moi la paix. On peut même plus fumer en paix, c’est dingue ça.
–  Tu connais la différence entre le fumier et le fumeur ?
–  Tu vas vraiment me sortir une blague à deux balles, là ? Sérieusement ?
–  Aucune. Le fumier pue et emmerde le monde et le fumeur aussi.
–  Je me casse. Mais toi Gio, t'as pas besoin d'une clope pour emmerder le monde, ça c'est certain. Insupportable.


C’était juste un camion, un engin énorme comme il en passait sur n’importe quelle route, la nuit, dans la campagne, c’était rien mais ça faisait des heures qu’on roulait. J’ai fermé les yeux et quand je les ai rouverts les feux étaient en face de nous. La voiture a fait un écart, j’ai senti qu’on quittait la route. J’ai braqué comme j’ai pu mais il était trop tard. Ils n’étaient pas attachés. Ils disaient on te fait confiance et puis, ça nous étouffe cette bande sur notre poitrine, nous, à ton âge, on ne nous embêtait pas tant, il n’y a jamais de flics sur cette route. Un tonneau. Deux tonneaux. Trois tonneaux. Arrêt. Maman a traversé le pare-brise. Papa ne répondait plus. Je suis sortie tant bien que mal du véhicule et, même en appelant les secours, je savais. Il était trop tard pour eux.


La porte est entrouverte et les cheveux de Julia se balancent dans l’ouverture. Elle en sait bien plus que sa famille ne le voudrait, la princesse. Giovanna s’approche. Ses yeux lui disent je t’ai vue comme on touche son ami en jouant à chat. Elles se sourient. Puis, Giovanna referme le passage - laissant dans le couloir le trésor des Salucci. Il est des choses que les jeunes filles ne doivent pas voir, peu importe ce qu’elles pensent connaître de ce monde décadent qu’est celui de la prostitution.  

EMMA ☄ OURAGAN ☄ 20 ☄ LYON ☄ Je suis tombée amoureuse, tout est beau et tentant ici.

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marianne schröder ☄ giovanna vaccarezza