THERE'S A GIRL IN THE CORNER (LIA)

On ne m’avait pas menti sur l’appartement Salucci.
Riche en tableaux, riches en dorures, riche en tout. Il y a plusieurs salons et certaines filles me saluent en riant, à moitié dénudées. Je reste poli et sage même si l’envie de mordre dans leur chair me titille jusque dans le ventre.
Pas touche aux filles du père Salucci.
Il faut payer pour ça, je sais bien.
Mais je suis là parce que j’avais une information à délivrer, la routine, tout simplement. Je suis là aussi pour Lia Salucci, pour venir ouvrir la porte de sa cage dorée. Je suis là dans l’encadrement d’une porte, à cause à quelqu’un que je connais vaguement. J’attends sagement qu’elle fasse son apparition, attirée par l’éclat de nos voix et qu’elle vienne picorer dans le creux de ma main.

Invité

elle n’aimait pas quand le soir arrivait, lia. c’était à ce moment que les choses s’emballaient à la maison. a ce moment, qu’elle ne se sentait plus chez elle. il fallait alors disparaître pour laisser les filles briller. elle se sentait alors comme une étrangère dans sa propre maison. elle savait que raffa n’était pas là ce soir. mais son père… lui était toujours là. pour surveiller ce qu’il se passait chez lui. affublée d’un jean noir et d’un sweat, lia décida de s’aventurer à l’extérieur de sa chambre. elle avait faim et elle savait qu’il y avait des ciocchini à la cuisine. discrètement, elle traversa le couloir. soudain, lia se figea. en face d’elle, dans sa maison, se trouvait gino. le mec de l’autre soir. lia restait paralysée, la bouche ouverte, stupéfaite de le savoir ici. et déçue de découvrir qu’il était un de ceux là. ceux qui venaient chez les salucci. quand gino posa son regard sur elle, lia se débloqua. furtivement, elle entra dans la première pièce sur sa droite pour se cacher. la cuisine. elle avait pas tout perdu…
« pitié, faites qu’il m’ait pas reconnu… » elle supplia, en commençant à chercher ses gateaux, pour se noyer tranquillement dans la honte.

On échange des banalités sur les familles de l’un et de l’autre. Je n’écoute que d’une oreille parce que mon regard est posé droit devant, au dessus de l’épaule de l’homme.
Elle apparaît enfin, paralysée face à moi. La surprise se lit sur son visage – elle est évidente. Les yeux de Lia Salucci ne mentent pas, ils ne mentent jamais. Elle disparaît alors quelque part, entre les grands murs richement décorés de l’appartement. Mes sourcils se froncent alors en même temps que mon poing se serre.
Je prétexte une excuse avec mon interlocuteur et je le quitte.
J’avance alors dans l’appartement, un peu timidement, un peu impressionné d’entrer dans l’intimité de cette grande famille. Je remarque alors que la décoration n’est pas tant différente de chez mois, que nos deux appartements se ressemblent un peu – excepté le fait que je ne me sente pas à ma place.
J’ai l’impression d’être un voleur.
Je jette un coup d’œil dans la cuisine et je la vois.
- Eh ben alors, tu ne viens pas me dire bonjour ?
Je m’adosse contre le mur.
- Tu te caches ?
Je prends un ton léger et rieur.

Invité

la boite de gateaux à la main, elle sent ses phalanges trembler encore sous le coup de la surprise. elle grignote en essayant d’oublier et surtout en se demandant quand elle allait pouvoir rejoindre sa chambre, sans que gino la voit ou pire, son père. « eh ben alors, tu ne viens pas me dire bonjour ? » cette voix dans son dos la fait frissonner, elle déglutit difficilement et se retourne. « tu te caches ? » elle le regarde et se met à rougir de toutes ses forces.
« n-non, pas du tout. » elle ment. elle montre les gateaux dans sa main. « j’avais faim. » elle se justifie, alors qu’elle est encore chez elle, merde. elle se souvient qu’il est chez elle, et que ça ne peut pas être un hasard. « qu’est-ce que tu fais ici ? toi aussi tu payes ? » elle demande. elle trouve ça surprenant de sa part, décevant. mais finalement, plutôt réaliste. elle a appris que tous les hommes étaient prêts à payer… l’amour n’existe que dans sa petite tête blonde. si jamais son père les voit les deux là, dans la cuisine, ils sont morts. surtout gino.

Lia se retourne et ses cheveux blonds mélangés à ses joues roses lui donnent l’air d’un soleil timide. Il y a vraiment quelque chose d’attendrissant dans la candeur de son visage. J’ai envie de la manipuler du bout des doigts, sans jamais la froisser, parce qu’il faut faire attention à cet être fragile.
Sa voix qui trébuche trahit ses mensonges. Je déteste qu’on me mente, mais là je reste de marbre face à ça. Il ne faut pas tout gâcher, pas maintenant, alors que rien n’a encore vraiment commencé.
- Qu’est-ce que tu fais ici ? Toi aussi tu paies ?
Je laisse échapper un rire.
- Quoi ? Pas du tout. J’suis juste venu donner des informations.
Je m’approche d’elle tranquillement pour ne pas l’effrayer mais avec l’assurance d’un fauve quand même. Je me sens euphorique à l’idée d’être ici. Parce que je sais que je vais réussir à effleurer la peau de Lia, à lui glisser des paroles chargées de sous-entendu et en même temps je risque tellement gros à tourner auprès de la fille chérie Salucci.
- Tu veux bien m’en donner un ?
Je demande, désignant les gâteaux du menton.