CA SUFFIT PLUS (GINO)

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le rideau tombe. ici, les gens applaudissent pas, ils glissent des billets entre le tissu et l'épiderme, ils t'envoient des clins d'oeils, ils te murmurent des "t'es libre plus tard?" et puis c'est tout. rien de plus, rien de moins, ici, on cherche pas à savoir qui t'es derrière ton faux sourire et ta lingerie transparente.

barbie, elle passe un genre de kimono fluide sur ses épaules, l'meme que toutes les danseuses ici, c'est comme ça qu'on les appelle, des danseuses, mais dans le fond c'est juste des putains, plus tu retires tes sappes et plus on te refile du fric. mais barbie elle aime bien, barbie ça lui permet de fournir son business, quand après son show on la rappelle, on la demande, on veut d'elle dans les salons privés, là où les mots se murmure, là où les langues s'écrasent contre les palais, là où les mains fermes des pères et des fils remontent en haut des cuisses des belles.

la rose rouge, c'est comme ça qu'on la surnomme ici, barbie. c'est comme ça qu'on l'appelle quand c'est à elle d'entrer en scène, et c'est comme ça qu'on la surnomme quand on la sollicite, barbie.

hé p'tite rose, t'rhabilles pas, y a quelqu'un qui veut t'voir là.

Je l’ai regardée danser et je n’ai pas perdu une miette.
J’ai vu l’éclairage mordre sa peau parée de paillettes. J’ai vu ses hanches onduler avec la musique, son dos se cambrer, ses fesses s’offrir aux regards affamés des hommes.
Le spectacle est passé lentement, j’ai vaguement causé avec les pères et les fils qui trônaient là, le regard toujours tourné vers Barbara. Moi, ce qui m’intéressait, c’était la partie d’après. J’ai des affaires à régler, avec cette danseuse-là.
Les lumières s’éteignent et personne n’applaudit. On n’entend que les respirations haletantes et le bruit des billets qui frottent contre le cuir des portefeuilles.
Je demande à la voir.
Je rentre donc dans les coulisses, là où les lumières se font encore plus sombres. D’autres hommes sont là, eux aussi. Ils viennent pour assouvir leurs besoins. Le cabaret est une belle mascarade.
Puis elle est là, un vêtement fin la recouvrant tant bien que mal. Je passe devant sans la regarder, je la connais déjà par cœur. Je vais m’asseoir sur un espèce de divan, qui trône dans la pièce.
- Faut qu’on parle.
Je dis, l’air grave.
- Notre arrangement à propos de Nestore … ça me suffit plus.

Invité

quand l'regard de la rose s'pose sur lui, y a comme une étincelle qui passe dans ses yeux. barbie elle sait que si t'es là c'est ni pour fricoter, ni pour lui filer des billets, ni même encore pour lui confier des secrets. t'es là pour la faire chanter, la menacer, lui foutre des claques invisibles mais bien réelles. tu lui passes devant, t'assois un peu plus loin sur un des canap' qu'on réserve parfois aux clients.

barbie, elle te suit, et dès quelle entend ta voix masculine qui commence à parler, elle te tourne le dos et tire violemment sur un rideau qui, une fois fermé, vous sépare du reste: des pères, des fils, qui eux aussi ont les oreilles tendues, même si leurs yeux et leurs mains sont occupées, puis des danseuses aussi, qui parfois partagent secrètement la même curiosité qu'elle.

barbie elle s'retourne, elle te regarde, elle te dévisage de son regard glacial mais brûlant aussi. elle serre les poings, si elle était dans une meilleure position elle aurait pu t'en foutre un dans la gueule, elle soupire, elle essaie d'se calmer en passant une main sur sa nuque, quand tu lui parles de nestore. y a un ange qui passe quand tu lui annonces la nouvelle. dans ses yeux verts t'as peut-être pu apercevoir des flammes qui crépitent, c'est un mélange de son angoisse et de sa fureur, à barbie. ses doigts frêles passent dans ses cheveux, elle bascule sa crinière dorée en arrière, elle dévoile son visage, son regard, ses lèvres. elle te fixe, elle pose la question mais elle se doute déjà de ce que tu vas lui répondre.

ah, ça t'suffit plus, hein? qu'est-ce que tu veux, gino?

L’argent, c’était bien. Ça me permettait de vivre un peu mieux, de montrer à mon père que j’étais capable de me débrouiller seul, que moi aussi j’avais de l’influence – à mon échelle, certes, mais de l’influence quand même. Que j’étais capable de mettre à genoux des personnes pour servir mon intérêt.
Je regarde Barbara.
Il faut voir ses yeux. Ils fulminent, ils m’envoient des éclairs de colère et de rage ! C’est un immense volcan là-dedans. Mais moi, je n’ai pas peur de m’y plonger, de m’y baigner nu. Parce que cette déesse aux cheveux d’or ne me fait pas peur, parce qu’elle pourrait bien essayer de me tuer, il ne me faudrait qu’un claquement de doigt pour la désarmer.
- Ah, ça t’suffit plus, hein ? Qu’est-ce que tu veux, Gino ?
Un soupire s’échappe de mes lèvres entrouvertes.
- Tu sais bien à quel point ça me gonfle de savoir qu’une pédale comme ton cousin court les rues sans une égratignure …
Je me lève et je parcours lentement l’espace qui sépare Barbara de moi. Jamais je ne perds les flammes de ses prunelles. Elle dégage quelque chose d’incroyable, quand elle est pleine de colère, comme ça. Une colère impuissante. Elle peut serrer les poings, elle peut serrer les dents.
Ma main s’avance et je fais glisser le kimono de ses épaules jusqu’à ce qu’il vienne rencontrer le sol, dans un bruit souple.
Mes yeux quittent les siens pour venir faire un tour d’horizon de son buste.
Un pas en arrière, pour mieux la regarder.
- C’est ça que je veux.

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elle lève ses yeux au plafond, barbie, et elle prend tout son temps pour y observer les ornements dorés et le papier peint rouge rubis avant de reposer son regard sur le grand brun qui lui fait face. comme à chaque fois qu'elle te voit, tes cheveux longs te tombent devant les yeux, yeux qui la fixent sans cesse avec un air de défi. tu souris. tu veux la perturber, faire tomber ses barrières, la rendre faible, plus faible qu'elle ne l'est déjà.

barbie, quand tu lui parles de nestore, elle se met à penser qu'elle aussi, ça la gonfle. pas qu'il soit gay, pas qu'il court les rues tranquille. ça la gonfle qu'il soit son cousin, qu'il soit sans défense, qu'il puisse pas se démerder tout seul et que ce soit forcément elle qui doit en pâtir. parce qu'on l'a élevé comme ça, barbie. "la famille avant tout", "pense à ta progéniture, faudra que tu la protèges plus que quiconque", "ton oncle il fait tout pour toi barbie, tu vois c'est ça l'esprit de famille".

tu te rapproches dangereusement, tu lui souffles des mots qu'elle écoute, mais qu'elle ne veut pas comprendre. barbie elle tourne la tête sur le coté quand tes mains font glisser le tissu fluide qui la recouvrait au sol. son visage de profil, elle évite ton regard, elle s'imagine que non, qu'elle est pas nue face à toi, la crainte l'envahi le temps d'un instant... puis elle se rappelle qui elle est. elle se rappelle que son corps tu l'as sans doute déjà bien observé, dans l'obscurité du cabaret où elle dansait. elle se rappelle que c'est une joueuse. que c'est une gagnante.

barbie, elle secoue vainement la tête et un ricanement lui échappe. il est faible, sa bouche s'est juste entre-ouverte pour le laisser passer. c'est un ricanement intime, juste pour elle. un ricanement qui devrait pas avoir sa place dans une situation pareille... et qui semble pourtant rentrer parfaitement dans le cadre. elle se reprend, elle inspire, elle relâche ses poings. dans ses yeux y a toujours un brasier, quand elle fait un pas, puis deux, puis trois. lentement elle te contourne, elle te quitte pas des yeux. une fois derrière toi, elle se rapproche, elle pose son visage délicat sur ton épaule. son nez frôle ton cou. barbie, elle a déjà repris son masque. elle sait que t'es comme les autres, ou presque. elle sait que pour pas perdre face, elle doit tromper, simuler, taquiner. alors elle le fait.

qu'est-ce qui se passe, trésor? t'es en manque?

Ça lui plaît pas, c’est certain.
Ça se voit à son visage qui se détourne, qui évite mon regard. Décidément, y en a pas une qui aura le courage de m’affronter les yeux dans les yeux. Je baisse les yeux et je regarde son corps mis à nu et réchauffé par la lumière rougeâtre. La courbe de ses épaules, les ondulations de son corps formés par les seins, les hanches, les boucles de ses cheveux.
Je savoure déjà ce qu’il m’attend.
De toute façon, elle peut pas refuser. Si elle refuse, tout le monde saura. Si tout le monde sait, je suis pas certain que Nestore reste bien longtemps en vie dans la fabuleuse arène dans laquelle nous errons tous.
Un ricanement faiblard s’échappe des lèvres de Barbara. Elle lève enfin les yeux et me regarde, elle m’affronte et ses prunelles déversent de la lave, tout un continent de colère et de flammes. Je reste de marbre. Elle aura beau être vénéneuse, irritée, flamboyante, il en faudra bien plus pour me faire peur, bien plus pour me donner la chair de poule et me faire tourner les talons.
Moi aussi, j’ai de l’acharnement.
Barbara, féline, lionne, se déplace lentement autour de moi, comme un prédateur qui cerne sa proie.
Un sourire évasif flotte sur mes lèvres.
Je sens son visage qui vient se poser contre mon épaule. Le relief de son visage vient chatouiller mon cou, me fait alors frissonner.
- Qu’est-ce qui se passe, trésor ? T’es en manque ?
D’abord, je laisse échapper un rire qui se déploie ensuite en quelque chose tonitruant, qui remplit la pièce. En manque. La bonne blague.
Je me retourne rapidement et je me trouve face à elle, son visage prenant toute la place dans mon champ de vision.
- J’ai tout ce que je veux.
Je ne manque de rien.
- Ne cherche pas à changer de sujet, d’accord ?
D’accord ou pas d’accord, je m’en fiche.
Mon visage est si proche du sien que je suis en mesure d’inhaler sa respiration un peu tremblante.
- Tu devrais être flattée que je m’intéresse à toi.
Mon index vient glisser sur l’arête de sa mâchoire, tranquillement.

Invité

y a ton rire, fort, gras, qui couvre les battements de son cœur et les soupirs des dames dans les cabines voisines. il couvre le craquement du parquet sous vos pieds et la mélodie des tissus qui tombent du cabaret. ton rire, contrairement aux autres, ne la réchauffe pas. il lui glace le sang, à barbie. il lui dit "tu sais pas dans quoi tu viens de foutre les pieds, barbie". non, elle sait pas, barbie. elle a pas envie de savoir. elle joue la carte de l'impulsivité, des mauvaises décisions prises sur le coup, sans réflexion.

t'as tout ce que tu veux. ah bon? barbie elle en croit pas à un mot, alors elle sourit, elle te sourit, en plongeant dans l'océan calme de tes iris, personne n'a tout ce qu'il veut, gino. parce que c'est comme ça que l'humain est fait, il en veut toujours plus, toujours plus. toi aussi, t'en veux forcément plus, gino.

barbie elle te regarde, elle se joue de l'expérience d'actrice qu'elle a acquiert pour survivre, après tout c'est probablement son seul talent. elle imite ton calme, elle simule ton sang-froid. elle te copie, barbie, et elle s'en tape. y a ton visage à même pas un centimètre du sien, et y a le bout de ton index qui glisse contre son épiderme. tu l'effleures à peine, mais barbie ça la réveille. elle pourrait sortir les crocs et les enfoncer dans ta gorge qui s'offre à elle. si seulement y avait pas nestore. à tes mots, barbie soupire. elle aime pas quand on s'fout de sa gueule.

oh, gino, s'te-plait. m'fait pas ton numéro. m'prend pas pour une des connasses du quartier que tu te tapes dans une des sales pièces sombres de l'immeuble.

elle marque une pause, barbie, juste le temps de voir si y a une réaction. si t'as autre chose à lui montrer que ton rictus carnassier, qui semble vouloir qu'une chose: la dévorer.

c'est pas de l’intérêt, ce que tu m'offres. tu veux juste mon beau cul pour l'ajouter à ton palmarès.

Je serre un peu les dents à ses paroles, alors le sourire s’écroule, comme poussé de son trône.
Barbara dit n’importe quoi. Moi, je ne choisis pas n’importe qui. Je prends les plus belles et aussi celles qui ont quelque chose à m’apporter. Parce que je vois de l’intérêt dans chaque chose, parce je suis difficile et que souvent les filles elles couchent chez moi, dans de beaux draps et pas dans la moisissure dégueulasse qui remplit l’immeuble.
Bon, d’accord, il y a peut-être eu quelques exceptions, des filles attrapées au vol parce qu’elles en voulaient. Mais elles, je ne m’en rappelle jamais.
- C’est pas de l’intérêt, ce que tu m’offres. Tu veux juste mon beau cul pour l’ajouter à ton palmarès.
Je laisse échapper un petit rire, et ma main vient fermement agripper l’une de ses fesses. Je l’attire contre moi.
- Je teste la marchandise.
Mon rire s’évapore encore dans l’air.
Je m’demande bien si elle va sortir les crocs et les griffes, si elle va se jeter sur moi en bonne lionne qu’elle est. Je colle ensuite ma bouche contre son oreille puis je murmure
- Et mon cul à moi, il te plaît pas ?
Il plaît aux autres, pourtant.
J’suis sûr qu’il plaît aux garçons aussi. Si ça se trouve il plairait aussi à Nestore. L’idée me fait sourire, encore. Décidément, tout m’amuse ce soir.

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elle est tellement proche de toi, qu'elle remarque facilement ta mâchoire qui se crispe, quand elle s'met à parler. elle s'dit que ça a pas du te plaire, elle s'dit qu'elle risque de s'en prendre plein la gueule. tu t'en doutes, barbie même avant d'te connaitre elle savait déjà des choses sur toi, elle avait entendu les rumeurs. les coups que t'avais pu recevoir, mais surtout tout ceux que t'a donné. elle sait de quoi t'es capable, elle sait ce que tu fais quand tu traînes avec son frère. d'ailleurs, gino, nino, vous vous ressemblez, vous avez les même pulsions. barbie, elle le sait. elle le voit, quand elle te regarde. si nino était pas sa moitié, elle aurait pu vous confondre.

puis y a ta main qui s'écrase contre ses fesses, tes doigts qui s'y crispent et le temps d'un instant, barbie respire plus. un peu parce que ça l'a surprise, un peu parce qu'elle s'y attendait au final. barbie se retrouve contre toi, nue, encore plus à ta merci qu'elle ne l'était déjà. son souffle se fait court, parce que barbie, maintenant elle redoute tout et n'importe quoi. tu peux tout lui faire et elle, qu'est-ce qu'elle peut faire?

mais tu continues, l'idée de la laisser tranquille, t'y penses même pas. elle sent bien que tu veux la pousser à bout, tu veux voir jusqu'où elle peut aller, à quel moment elle va craquer. barbie elle sait que tu veux voir si elle va se mettre à crier, à se défendre, à pleurer. à remettre en cause votre petit deal. à plus défendre son cousin. mais elle fera rien de tout ça, jamais, pas devant toi, pas pour toi.

tu la fait sourire, mais c'est ni un sourire de joie, ni un sourire d'amusement. c'est un sourire nerveux. c'est un sourire faux. c'est un sourire qu'elle laisse pour te faire penser que tout ça, elle aime bien, qu'elle prend rien au sérieux. son visage toujours proche du tien, elle vient effleurer le bout de ton nez avec le sien, son souffle saccadé s'écrase sur tes lèvres. mais gino, tu seras pas le premier à passer sur elle. c'est pas te montrer, te vendre et te donner son corps, qui lui fait peur. c'est tout le reste. et pour l'instant, barbie elle veut juste renverser la balance.

ça dépend, faut dire que j'ai pas autant eu l'occasion de le voir, tu me le montres?

Un sourire vient vendre le visage de Barbara. Un sourire faux qui donne l’illusion de l’indifférence, d’un ça me dérange pas que ta main soit posée là. Sa respiration vient s’échouer mon visage, ça pue la peur. Barbara n’est qu’un masque, je commence à bien la connaître maintenant. Je sais qu’elle est la meilleure pour les apparences, elle est capable d’être ce qu’elle veut, quand elle veut. Elle maîtrise ses émotions comme personne. Et pourtant, il n’y a des signes qui trompent pas. Son œil a un éclat étrange : la lueur de l’inquiétude. Sa façon de respirer, aussi, un peu tremblante, pas vraiment maîtrisée, assurée.
- Ça dépend, faut dire que j’ai pas autant eu l’occasion de le voir, tu me montres ?
J’me marre encore un peu puis je secoue la tête et je me décide enfin à lâcher sa fesse. Elle est rigolote, Barbie, elle flirte avec le danger, elle rentre dans mon jeu, elle essaie de gagner du temps, de montrer qu’elle peut être plus forte, plus maline que moi.
Mon visage reprend bien vite son air sérieux.
- Tu le verras bientôt. Et tu sais pourquoi tu le verras bientôt ?
Je demande, un sourcil un peu haussé, la face toujours aussi proche de la sienne.
- Parce que tu vas accepter mon offre. Tu sais bien ce qui arrive, si tu n’acceptes pas.
Ce sont les sbires de la famille Salvatici qui vont arriver, les manches relevées sur leurs poings fermés. Ils vont choper Nestore à la sortie d’un bar, de n’importe où, ils vont l’assommer d’abord. Et puis quand il aura repris connaissance, ils vont faire durer le plaisir. Ils vont l’écorcher vif pour le plaisir d’entendre une pédale hurler de douleur. Puis ils balanceront ses restes sanguinolents quelque part, là où on ne peut les retrouver. L’image allume un brasier étrange au fond de mes prunelles.
J’envoie les flammes à Barbara.
Pour qu’elle comprenne.